Droit de la route
Me Leduc-Novi - 58 avenue du peuple belge, Lille
La conduite pour raison professionnelle
Que se passe-t-il lorsqu'une infraction est commise avec un véhicule professionnel ?
Si un salarié est arrêté à la suite d'une infraction au Code de la route, le procès-verbal est dressé à son nom. En revanche, si ce n'est pas le cas, si par exemple le véhicule est flashé par un radar automatique, la contravention est envoyée au titulaire de la carte grise. Au siège de l'entreprise dans le cas d'un véhicule professionnel, et il incombe au représentant légal de l'entreprise de payer l'amende.
Lorsque l'employeur connait l'identité de celui qui a commis l'infraction, il peut se retourner contre lui en l'accusant auprès des services de police ou de gendarmerie d'être l'auteur de l'infraction. La personne accusée, s'il est prouvé qu'elle est bien l'auteur de l'infraction, encourt une perte de points sur son permis de conduire. En revanche si l'employeur ne connait pas l'identité de l'auteur ou s'il refuse de le dénoncer, il doit prouver qu'il n'est pas l'auteur de l'infraction pour ne pas se voir infliger un retrait de point sur son permis de conduire.
Seul le représentant légale d'une personne morale (entreprise, société) peut être déclaré pécuniairement redevable de l'amende encourue. Le représentant légal n'a pas le droit de procéder à des retenues sur le salaire du salarié fautif pour payer la contravention. La Cour de cassation est très claire à ce sujet, la retenue sur salaire pour le remboursement des contraventions afférentes à un véhicule professionnel mis au service du salarié est illégale, fût-elle prévue par un contrat de travail. En revanche, le salarié fautif doit assumer, seul, la totale responsabilité de l'infraction, si l'infraction est un délit (ex: délit de fuite, conduite sous l'empire d'un état alcoolique).
L'annulation du permis de conduire est-elle une cause de licenciement ?
Un licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Il appartient à l'employeur de démontrer que la cause, qui légitime le licenciement, est bien une cause réelle et sérieuse. Sans cela, la justice, si elle est appelée à se prononcer sur le licenciement, peut le requalifier comme abusif ou injustifié. Mais une cause réelle et sérieuse n'est pas obligatoirement une faute du salarié. Cela peut être, par exemple, une mésentente du salarié avec son employeur hiérarchique, une insuffisance professionnelle.
Lorsque la justice examine les motifs d'un licenciement, elle tient compte des circonstances dans lesquels se sont déroulés les faits reprochés au salarié. Ainsi, boire pendant son temps libre en regardant la télévision n'est ni une infraction, ni un motif de licenciement. Mais boire sur son lieu de travail peut être retenu comme une faute, surtout lorsque cela engendre un accident de travail. Etre sanctionné pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique au cours d'un déplacement professionnel est non seulement une infraction mais aussi une faute grave. Que cette infraction soit sanctionnée ou pas d'une annulation du permis de conduire, elle constitue déjà en soi un motif de licenciement.
L'appréciation des juges est différente selon que les faits reprochés au salarié soient tirés de sa vie professionnelle ou de sa vie personnelle. La cour de cassation retient la position de principe suivante: "un motif tiré de la vie personnelle d'un salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail". Ajoutant que "le fait, pour un salarié qui utilise un véhicule dans l'exercice de ses fonctions, de commettre dans le cadre de sa vie personnelle, une infraction entrainant la suspension, ou le retrait de son permis de conduire, ne saurait être regardé comme une méconnaissance par l'intéressé de ses obligations découlant de son contrat de travail".
Autrement dit, un licenciement pour faute ne peut pas être justifié par un fait se rapportant à la vie personnelle du salarié (vie personnelle, entendue ici comme toute activité menée en dehors de l'exécution du contrat de travail). Un salarié qui perd son permis de conduire, en dehors de l'exécution de son contrat de travail, ne commet pas de faute professionnelle. Quand bien même il commettait l'infraction et utilisait, en dehors de l'exécution de son contrat de travail, une voiture de fonction. La faute ne peut être retenue que si l'obligation de posséder le permis de conduire pour exercer son activité professionnelle est clairement mentionnée dans le contrat de travail.
En revanche, un employeur peut toujours arguer que l'annulation du permis de conduire de son salarié constitue un trouble caractérisé et durable causé à son entreprise ( durée longue de privation du permis de conduire, impossibilité pour le salarié d'effectuer les tâches qui lui sont confiées, retards répétés, ...) et qu'il n'est pas possible de reclasser le salarié dans une fonction où celui-ci n'a pas besoin de son permis de conduire au vue de la taille de l'entreprise. L'employeur justifie dès lors d'une cause réel et sérieuse, légitimant un licenciement pour motif personnel, sans pour autant que cette cause ne soit une faute du salarié. Charge au juge d'apprécier cette argumentation.
Qu'est-ce que le recours au référé suspension ?
Le référé suspension est une mesure ordonnée par le juge des référés, visant à suspendre l'exécution d'une décision administrative, jusqu'à ce que la requête en annulation ou en réformation de la décision administrative soit statuée. Un référé suspension peut ainsi suspendre une invalidation du permis de conduire pour solde de points nul. L'usager de la route, dont le permis a été invalidé, est autorisé à conduire jusqu'à ce que la requête, en annulation ou en réformation de la décision d'invalidation de son permis, soit statuée.
Pour être ordonnée, une requête en référé suspension doit être justifiée d'un caractère d'urgence. Autrement dit, celui, contre qui est prise la décision administrative, doit subir un réel préjudice qu'il est difficile de réparer ultérieurement. C'est le cas par exemple lorsqu'un salarié est menacé de perdre son travail en cas d'invalidation de son permis de conduire. La justice n'est en cela pas sourde aux conséquences professionnelles que peuvent avoir une annulation ou une suspension du permis de conduire. A ce sujet, il n'est d'ailleurs pas rare de voir des décisions de justice interdisant à un usager de la route de conduire à titre personnel mais l'autorisant à conduire à titre professionnel.
Pour être ordonnée, une requête en référé suspension doit également faire état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la légalité de la décision invalidant le permis de conduire. Ce doute apparait notamment lorsque l'avocat du défendeur soulève une nullité de procédure.
Dernier point, le juge des référés examine également, pour prendre sa décision, la gravité des infractions commises et leur fréquence. Un juge des référés peut ainsi refuser d'ordonner un référé suspension en cas de conduite sous l'empire d'un état alcoolique.
Procédures en référé
Evolution du nombre de procédures administratives en référé terminées entre 2006 et 2010
Délai des procédures
Délai moyen des procédures administratives en référé (procédure d'urgence)
Référé suspension
Dans le Code de justice administrative
- article L521-1: suspension d'une décision administrative
Responsabilité pécuniaire
Seul le représentant légal d'une personne morale peut être déclaré pécuniairement redevable de l'amende encourue
- Cass. Crim., 13 oct. 2010, n° 10-81575
Retenue sur salaire
La retenue sur salaire pour le remboursement des contraventions afférentes à un véhicule professionnel mis au service du salarié est illégale
- Cass. Soc., 11 jan. 2006, n° 03-43587
Fait se rapportant à la vie professionnelle
Un licenciement pour faute ne peut pas être justifié par un fait se rapportant à la vie personnelle du salarié
- Cass. Soc. 3 mai 2011, n° 09-67464