Droit pénal
Me Leduc-Novi - 58 avenue du peuple belge, Lille
La présomption d'innocence
Quelle protection, le principe de présomption d'innocence offre-t-il réellement aux personnes suspectées ou poursuivies ? L'image d'une personne suspectée peut-elle, par exemple, être librement diffusée ?
La présomption d'innocence régit tout d'abord la règle de la preuve en droit pénal. Elle impose à l'accusation d'apporter la preuve de la culpabilité de la personne suspectée ou poursuivie. Ce n'est pas à cette dernière de prouver son innocence.
Il s'ensuit que la personne suspectée ou poursuivie a le droit de garder le silence sans que ce silence ne constitue un élément de charge contre elle. De même, si le moindre doute subsiste quant à sa culpabilité, elle se verra relaxée ou acquittée au bénéfice du doute.
Le principe de présomption d'innocence s'applique également en dehors des enceintes du tribunal ou de la Cour. Il est interdit de désigner publiquement comme coupable une personne faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction (loi n°2000-516 du 15 juin 2000): "lorsqu'une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l'insertion d'une rectification ou la diffusion d'un communiqué, aux fins de faire cesser l'atteinte à la présomption d'innocence, et ce aux frais de la personne, physique ou morale, responsable de cette atteinte".
Depuis la loi du 15 janvier 2000, la diffusion de l'image d'une personne identifiée ou identifiable, laissant apparaitre qu'elle porte des menottes ou entraves, est interdite. L'infraction est constituée, dès lors que la diffusion est réalisée sans l'accord de l'intéressé. La peine encourue est de 15 000 euros d'amende.
Que devient la présomption d'innocence si une personne suspectée décède avant d'avoir été jugée ?
Le principe de présomption d'innocence est limité dans le temps. Il ne prévaut que tant qu'un tribunal indépendant et impartial n'a pas rendu son jugement au cours d'un procès public et équitable.
Lorsque le décès d'une personne suspectée ou poursuivie survient avant que l'innocence ou la culpabilité n'ait pu être établie, la personne meurt présumée innocente.
Ce décès entraine l'extinction de l'action publique. Mais nul ne peut se voir empêcher de présenter la personne comme coupable. La présomption d'innocence tombe, dans la mesure où seule la personne, dont la présomption d'innocence est bafouée, peut en faire valoir le respect.
Les défunts bénéficient, cependant, par la loi du 29 juillet 1881, d'une protection quant aux injures et diffamations portées contre leur mémoire.
Comment est arbitré le principe de présomption d'innocence lorsqu'il se heurte à d'autres principes fondamentaux du droit, tels que le droit à la sécurité des citoyens, la liberté d'expression ou la liberté d'information ?
La difficulté d'appliquer scrupuleusement le principe de présomption d'innocence survient lorsque cette présomption d'innocence, qui va dans le sens du développement des libertés individuelles, se heurte par exemple au droit à la sécurité des citoyens, droit d'aller et venir sans être agressés, droit également constitutionnel.
C'est bien en raison de cette nécessité de préserver l'ordre public que malgré la présomption d'innocence dont bénéficie toute personne suspectée ou poursuivie, elle peut néanmoins être placée en garde à vue, et de façon plus grave en détention provisoire, c'est à dire subir un enfermement plus ou moins long.
Cela ne veut en aucune façon dire qu'elle est coupable. D'ailleurs, la preuve en est que certaines personnes placées en garde à vue, ou en détention provisoire, peuvent à la suite d'une enquête ou d'une instruction, se voir confirmer leur innocence.
Le code de procédure pénale précise que dans le cadre d'une enquête préliminaire "l'officier de la police judiciaire peut, pour les nécessités de l'enquête, placer en garde à vue toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction".
Il précise également que dans le cadre d'une instruction "lorsque l'officier de police judiciaire est amené pour les nécessités de l'exécution de la commission rogatoire, à garder à sa disposition une personne à l'encontre de laquelle il existe un ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction, il en informe dès le début de cette mesure le juge d'instruction saisi des faits".
Ce qui permet la rétention en garde à vue n'est pas la conviction que la personne est coupable, mais la conviction qu'il existe des raisons plausibles de la soupçonner. La nuance est de taille.
La liberté d'expression et la liberté d'information peuvent restreindre le principe de présomption d'innocence. Dès l'instant où un propos, tenu en public, n'anticipe pas l'issue de la procédure judiciaire, ne présente pas de conclusions définitives sur l'affaire, respecte le principe pionnier de l'instruction qui se doit d'être à charge et à décharge, il est toléré et doit être accepté.
Plus particulièrement, le journaliste est libre mais se doit de communiquer une image fidèle des débats. Il n'a pas, que ce soit par approximation, maladresse, ou incompétence, à dénaturer, caricaturer les positions défendues par les parties. Il n'a pas à user de procédés visant à préjuger de l'issue d'un procès ou tenir pour acquis la culpabilité ou l'innocence d'une personne suspectée ou poursuivie (ex: montrer des images, avant jugement, d'un individu menotté).
Ordonnances de non-lieu
21.208 affaires ont été instruites en 2010, il n'y a pas eu de mise en examen pour 4.973 d'entre elles
36.349 personnes ont, en revanche, été mises en examen
- suite à la mise en examen, le juge a ordonné une ordonnance de non-lieu pour 7 % des personnes mises en examen
Source: Annuaire statistique de la Justice. Edition 2011-2012 p117-119
Proportion de relaxes
536.797 personnes physiques et 3.026 personnes morales ont été jugées en 2010 par les tribunaux correctionnels
- 5 % des personnes physiques ont été relaxées
- 26 % des personnes morales ont été relaxées
54.398 personnes ont été jugées en 2010 par les tribunaux de police
- 5 % des personnes ont été relaxées
Source: Annuaire statistique de la Justice. Edition 2011-2012 p129-133
Proportion d'acquittements
2.886 personnes ont été jugées en 2010 par les Cours d'assises
- 6 % des personnes ont été acquittées
Source: Annuaire statistique de la Justice. Edition 2011-2012 p127
Textes fondateurs
La présomption d'innocence est défendue et rappelée à maintes reprises:
- article 9 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789
- rappel dans le préambule de la constitution de 1946
- article 11 de la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 à l'ONU
- article préliminaire du Code de procédure pénale et article 9-1 du Code civil
- article 6 de la convention européenne des droits de l'homme
Les erreurs
"Il n'y a pas d'erreurs, qui inlassablement répétées, ne finissent par prendre des airs de vérité"
Les vérités
"A dire vérités et mensonges, les vérités sont les dernières crues" Proverbe agenais