Indemnisation des victimes d'accident
Me Leduc-Novi - 58 avenue du peuple belge, Lille
Accident de la route, mise en cause de l'employeur
Quand la responsabilité de l’employeur peut-elle être engagée ?
L’employeur est tenu légalement de veiller à la sécurité et de protéger la santé de ses salariés quand ceux-ci sont sous sa responsabilité. Dans cette optique, il doit non seulement agir en prévenant et en sensibilisant les salariés aux risques auxquels ils peuvent être confrontés mais également en les formant aux règles de sécurité et d’hygiène.
Si l’employeur a charge de mettre en place une organisation et des moyens permettant d’éviter les risques d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, l’obligation de l’employeur n’est pas tant une obligation de moyen mais une obligation de résultat. Tout manquement engage sa responsabilité.
En cas d’accident de la route, reconnu comme accident du travail ou directement lié à l’exécution du contrat de travail, le salarié peut se retourner contre son employeur s’il estime que celui-ci a manqué à ses obligations.
L’employeur peut se voir reprocher d’avoir commis une faute inexcusable, voire une faute intentionnelle. Lors d’un accident de la route, la faute intentionnelle de l’employeur est rarissime. En revanche, la faute inexcusable est plus souvent invoquée. Les juges apprécient au cas par cas le caractère inexcusable de la faute. 2 éléments motivent généralement leur décision de retenir le caractère inexcusable de la faute : le fait que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel le salarié était exposé et le fait que l’employeur n’ait pris les mesures nécessaires pour préserver le salarié du danger.
C’est le cas par exemple lorsqu’un employeur laisse un véhicule de son entreprise circuler avec des pneumatiques usagés ou des freins défectueux.
En cas d’accident mortel, l’employeur (qu’il soit présent ou non au moment de l’accident) peut être inquiété pénalement pour homicide involontaire.
L’absence de faute pénale de l’employeur ne présume pas de l’absence de faute civile. Quand bien même le juge répressif déclarerait l’absence de faute pénale non intentionnelle au vu de l’accident, le tribunal des affaires de sécurité social peut retenir la faute inexcusable à l’encontre de l’employeur.
La responsabilité civile (voire pénale) de l’employeur peut également être engagée lorsque le salarié victime de l’accident est passager du véhicule et que le véhicule est conduit par l’employeur lui-même, un préposé ou une personne appartenant à la même entreprise que la victime sur une voie ouverte à la circulation publique.
Quelles conséquences financières pour le salarié victime de l’accident ?
Un salarié victime d’un accident de la route, qui est passager du véhicule ou qui est au volant du véhicule sans être responsable de l’accident, peut se retourner contre l’usager de la route responsable de l’accident pour être indemnisé intégralement des préjudices dont il souffre.
En revanche, un salarié, qui est responsable d’un accident de la route, risque de ne pas être indemnisé de ses blessures. Néanmoins, si l’accident de la route est reconnu comme accident du travail ou directement lié à l’exécution de son contrat de travail, le salarié sera indemnisé forfaitairement par la caisse d’assurance maladie. Cette indemnisation vise à compenser partiellement la perte de salaire que le salarié subit pendant son absence au travail. Une indemnisation forfaitaire complémentaire est prévue dans le cas où le salarié justifie de plus d’un an d’ancienneté dans l’entreprise et qu’il n’est ni salarié travaillant à domicile, ni salarié saisonnier, intermittent ou temporaire.
L’indemnisation qui lui est versée forfaitairement (indemnisation de base + indemnisation complémentaire) vise à couvrir uniquement la perte de salaire subie pendant la durée de son absence au travail. Le salarié n’est pas indemnisé des autres préjudices dont il peut éventuellement souffrir, comme par exemple le préjudice causé par les souffrances qu’il endure depuis l’accident, le préjudice de perte d’opportunité professionnelle, les préjudices d’ordre esthétique et d’agrément.
En revanche, lorsque le salarié responsable de l’accident parvient à démontrer que l’accident est aussi dû à une faute inexcusable de l’employeur, la couverture des préjudices indemnisables dont il souffre est étendue.
Quelles conséquences financières pour l’entreprise ?
Les entreprises versent chaque année une cotisation à l’assurance maladie au titre des risques d’accident du travail et de maladies professionnelles. Le taux de cotisation dépend de leur taille. Plus les entreprises sont de taille importante, plus le taux est individualisé pour refléter les résultats de l’entreprise en matière de sécurité et d’hygiène.
En cas d’accident de la route reconnu comme accident du travail, une entreprise de plus de 20 salariés, dont l’employeur a commis une faute inexcusable, doit s’acquitter d’une cotisation complémentaire à la cotisation de base qu’elle verse à la caisse d’assurance maladie. Cette cotisation complémentaire est destinée à couvrir la majoration de l’indemnité allouée au salarié. Pour les entreprises de moins de 20 salariés, il n’y a pas de cotisation complémentaire. Mais le montant de leur cotisation de base est fixé en fonction du risque de survenance d’accidents du travail calculé pour l’ensemble des entreprises dans le même secteur d’activité.
En outre si l’employeur a commis une faute inexcusable et que le salarié est indemnisé pour d’autres préjudices que celui né de la perte de rémunération qu’il subit, la caisse d’assurance maladie avance le paiement des indemnités allouées au salarié pour compenser les autres préjudices mais peut se retourner contre l’entreprise pour en obtenir le remboursement ou contre l’assureur de l’entreprise. En effet, depuis 1987, les entreprises peuvent souscrire une assurance contre le risque financier lié à une faute inexcusable commise.
En cas d’accident directement lié à l’exécution du contrat de travail, mais qui n’est pas reconnu comme un accident du travail, l’entreprise n’est pas pénalisée individuellement. Elle verse chaque année une cotisation dont le montant est fixé sur le coût global des accidents de ce type survenus nationalement l’année précédente.
Risque professionnel majeur
Plus l'accident de travail est grave, plus la probabilité est grande que l'accident ait pour élément matériel un véhicule (chiffres 2012)
Source: Données nationales AT/MP p48
Responsabilité de l'employeur
Les employeurs prenent de plus en plus au sérieux le risque routier
- En 2014, 68% des entreprises identifient le risque routier (contre 41% en 2010)
- 38% des dirigeants déclarent avoir mis en place des actions préventives (60% dans les PME)
- 86% des chefs d'entreprises interrogés savent que leur responsabilité peut être engagée en cas d’accident d'un de leurs salariés
Obligation de l’employeur
Dans le Code du travail
- articles L4121-1, L4122-2, L4122-3, L4122-4, L4122-5: obligation de l’employeur de veiller à la santé et de protéger la santé de ses salariés
Introduction d’une action contre l’employeur
Dans le Code de la sécurité sociale
- article L452-3: cas de la faute inexcusable de l'employeur
- article L455-1-1: cas où le salarié est passager du véhicule
Dans les questions prioritaires de constitutionnalité
- décision n°2011-167 QPC du 23 septembre 2011: conformité de l’article L455-1-1 aux droits et libertés garantis par la Constitution
Assurance de l'employeur
Dans la loi
- loi n°87-39 du 7 janvier 1987 : assurance contre la faute inexcusable
Définition de la faute inexcusable de l’employeur
L'employeur doit ou aurait dû avoir connaissance des dangers auxquels il expose ses salariés et doit prendre les mesures nécessaires pour les protéger
- Cass. Soc., 28 fév. 2002, n°00-10051
- Cass. Civ., 10 mai 2012, n°11-14739
Exemples de faute inexcusable
Un employeur qui laisse circuler un véhicule de l'entreprise avec des pneumatiques défectueux ou des freins usagés commet une faute inexcusable
- Cass. Civ., 25 oct. 2006, n°05-10552
- Cass. Soc., 11 juin 1992, n°90-12255